Quel est le lien entre l’Alzheimer et le diabète de type II ?

Second prize in the 2025 blog contest, by Frédérique Bérubé.

July 25, 2025

Ah la maladie d’Alzheimer, qui n’en a pas peur ? Une maladie sournoise qui retire tranquillement l’indépendance et les souvenirs qui affectait environ 50 millions de personnes en 2016. On connaît tous quelqu’un qui en a été victime. On a l’impression d’être impuissant face à cette pathologie, de ne pas savoir comment la prévenir, sauf peut-être d’avoir de saines habitudes de vie, la même recommandation que pour prévenir de nombreuses maladies, dont le diabète de type II (DT2), qui retire les mécanismes permettant de métaboliser le sucre. Mais malgré ces maladies aux symptômes si différents, il peut être surprenant d’apprendre qu’il existe un lien entre les deux, la maladie d’Alzheimer étant même parfois nommée diabète de type III. Quel est alors le lien ?

Pour répondre à cette question, il faut dans un premier temps plonger dans le mécanisme moléculaire de ces 2 maladies. En effet, les deux sont caractérisées par la mort de certaines cellules ayant un rôle important : les neurones dans le cas de la maladie d’Alzheimer et les cellules β-pancréatiques dans le cas du DT2. La mort de ces cellules est causée par un mécanisme moléculaire bien particulier : la formation de fibres amyloïdes, des dépôts de protéines insolubles.

Figure 1 : Impact de la présence de fibre amyloïdes dans le cerveau des patients atteints de la maladie d’Alzheimer (gauche) et dans le pancréas des patients atteints de diabète de type II (droite). (Image adaptée de Dementia Care et de Opie, 1901)

Les fibres amyloïdes peuvent être très intéressantes pour certains organismes, par exemple c’est ce qui permet aux araignées de faire leur toile. Par contre, chez l’humain, elles sont associées à différentes maladies, dont l’Alzheimer et le DT2. Concrètement, la formation de fibres amyloïdes est un mécanisme par lequel une protéine va passer d’une conformation (structure 3D) vers une autre. Chez les protéines, c’est leur conformation qui leur donner leur fonction, donc une protéine qui n’a pas la bonne conformation n’aura pas la bonne fonction et peut même devenir toxique pour l’organisme. Dans le cas de la formation de fibres amyloïdes, le changement de conformation entraine des dommages aux cellules. Lors de ces changements, la protéine seule, dite monomérique, va interagir avec d’autres protéines monomériques pour former un petit groupe de plusieurs unités monomériques, nommé oligomère. À cause de ces oligomères, la formation des fibres amyloïdes peut commencer. Ce sont les oligomères qui sont toxiques pour l’organe et non les fibres amyloïdes. Comme les oligomères sont très instables et très dynamiques, il est presque impossible pour les scientifiques de comprendre comment ils se forment et surtout excessivement difficile de trouver une méthode pour les prévenir. C’est la raison pour laquelle il y a très peu de remède pour prévenir les maladies provoquées par leur formation.

Figure 2 : Formation toxique des fibres amyloïdes en partant du monomère vers l’oligomère puis les fibres. Ce sont les oligomères surtout qui sont toxiques pour les organes et non les fibres. (Image adaptée de Törner et al., 2022)

Ainsi, dans la maladie d’Alzheimer c’est la petite protéine amyloïde-β qui change de conformation et dans le DT2 c’est l’amyline. Comme ces protéines changent de conformation dans un organe, l’amyloïde-β dans le cerveau et l’amyline dans le pancréas, ces organes subiront des dommages. Néanmoins, si l’amyloïde-β n’a pas de rôle connu, l’amyline signale entre autres la satiété, elle doit donc se rendre au cerveau pour jouer l’un de ses rôles. De fait, il arrive que l’amyline rencontre une fibre amyloïde de l’amyloïde-β et s’y joigne ou encore qu’elle commence à changer de conformation une fois au cerveau où elle entrainera avec elle le changement de conformation de l’amyloïde-β. Alors, les gens vivants avec le DT2 ont plus de chance de développer la maladie d’Alzheimer, ce qui fait du DT2 la première cause de comorbidité de l’Alzheimer. Les chercheurs travaillent sans relâche afin de mieux comprendre les mécanismes moléculaires responsables de la formation des fibres amyloïdes. En attendant, pourquoi ne pas adopter des habitudes de vie saines ? Cela joue certainement un rôle dans la prévention de ces deux maladies, que vous savez maintenant liées l’une à l’autre.

 

 

Frédérique Bérubé

Frédérique Bérubé, B.Sc, est étudiante à la maîtrise en biochimie. Par ses travaux, elle tente de mieux comprendre les mécanismes de formation amyloïdes et de trouver un moyen pour les éviter. Hors du laboratoire, elle se plaît à expliquer la science aux adolescents, pour qui elle donne divers ateliers.

 

References:

Santiago, J. A.; Potashkin, J. A. The Impact of Disease Comorbidities in Alzheimer’s Disease. Front Aging Neurosci 2021, 13, 631770. DOI: 10.3389/fnagi.2021.631770  From NLM PubMed-not-MEDLINE.

Care, D. Alzheimer disease Dementia. 2021. https://dementiacare.com.my/abc-of-dementia/alzheimer-disease-dementia/ (accessed 2025 21/01).

Opie, E. L. The Relation Oe Diabetes Mellitus to Lesions of the Pancreas. Hyaline Degeneration of the Islands Oe Langerhans. J Exp Med 1901, 5 (5), 527-540. DOI: 10.1084/jem.5.5.527  From NLM PubMed-not-MEDLINE.

Torner, R.; Kupreichyk, T.; Gremer, L.; Debled, E. C.; Fenel, D.; Schemmert, S.; Gans, P.; Willbold, D.; Schoehn, G.; Hoyer, W.; et al. Structural basis for the inhibition of IAPP fibril formation by the co-chaperonin prefoldin. Nat Commun 2022, 13 (1), 2363. DOI: 10.1038/s41467-022-30042-y  From NLM Medline.

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